Résumé

L’expérience esthétique propre au cinéma s’enracine dans l’impression de réalité, cette demi-croyance que tout spectateur accorde aux images et aux événements du film qui, littéralement, le saisissent. Le film fait plus que se dérouler sous les yeux du spectateur; il y est immergé, le film l’enveloppe, le plonge dans un monde sensible, sonore et visuel, proprioceptif même. L’éducation esthétique propre au cinéma ne peut donc prendre appui sur la phénoménologie classique centrée sur le face-à-face distancié d’un sujet et d’un monde séparés, sur le modèle de la vision, et de ce point de vue, les pédagogies misant essentiellement sur l’analyse filmique ne peuvent suffire; l’éducation esthétique propre au cinéma trouve aujourd’hui de meilleurs fondements dans les nouvelles phénoménologies donnant la priorité au sensible immersif, aux « atmosphères », et déjà dans la phénoménologie de Merleau-Ponty. Ce caractère immersif rapproche tout particulièrement l’expérience cinématographique de l’expérience ordinaire accomplie, comme prototype de l’expérience esthétique selon Dewey. Le film lui-même en tant que récit possède plusieurs des caractéristiques de l’expérience esthétique prototypique, notamment l’unicité. Une éducation esthétique au cinéma comme art ne peut se tenir du seul côté de la réception; elle doit aussi prendre en compte la création comme expérience esthétique, et donc associer ces deux faces de l’expérience esthétique. Dans cette association, le cinéma peut contribuer à l’éducation de la vie esthétique, du rapport esthétique au monde; la pensée, le regard et la sensibilité éduqués par le cinéma rendent ainsi au monde ce que le cinéma lui a emprunté : c’est bien en tant que « conscience jetée dans le monde » que nous regardons, vivons, comprenons et éprouvons le film.

Épreuves

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